En 2024, nous avons acceuilli...

Amsa Mliki,

Jeune ingénieure agronome, cheffe d’entreprise (productrice de moringa), et trésorière de l’AJA (Association des Jeunes Agriculteurs, de Gafsa - Tunisie), voici son témoignage :

« Quand il s’agit de prendre des décisions, nous les femmes sommes peu visibles. Mais nous sommes présentes, autrement, dans l’ombre, via les dialogues, la mobilisation entre femmes puis nous influençons nos maris, nos frères… Mais il reste des sujets où notre position est très compliquée.

Par exemple, les femmes n’ont pas ou peu accès à la terre, elles laissent leurs parts d’héritage à leurs frères. L’AJA fait chaque année des sensibilisations pour inciter les femmes qui ont un projet agricole à revendiquer leur dû. L’une de nos membres a eu le courage de le faire. Nous l’avons encouragée dans son projet et aujourd’hui elle s’en sort bien. Malheureusement, depuis 2 ans elle n’a plus de relation avec sa famille, elle est exclue.  Sans l’AJA en soutien, elle n’aurait jamais pu s’affranchir de sa famille et faire de l’agriculture à son compte.

J’ai 3 sœurs et 1 frère. Ce dernier va hériter de toutes les terres de notre père. J’en aurais pourtant besoin pour développer ma production de moringa, mais je ne vais pas revendiquer ma part d’héritage à laquelle j’ai droit (selon la loi islamique reprise par notre législation). Si je prends ma terre, mon frère en aura moins. Et donc je risque de mettre en danger la survie économique de son foyer. Chez nous, les hommes doivent assumer l’ensemble des dépenses du ménage : l’éducation, la santé,  le logement, l’alimentation, l’habillement des enfants et de la femme. Même si la femme travaille, elle n’est pas obligée de contribuer aux charges de la maison. Donc si je réduis la surface dont dispose mon père pour nous nourrir, mon frère arrivera-t-il à nourrir son futur foyer? Pour l’instant il est encore jeune et passe beaucoup de temps dans les cafés. Si je vois qu’il ne devient pas responsable, alors je n’hésiterai pas à revenir sur ma décision. 

En principe, c’est mon mari qui doit hériter des terres de sa famille et me permettre de cultiver mon moringa. Mais tant que je n’aurai pas « produit » un héritier, ma belle famille ne veut pas prendre le risque de donner en héritage des terres que je risque de récupérer à terme. Comme dans beaucoup de sociétés, nous sommes réduites à un rôle reproductif et nourricier. A nous revient la charge de cultiver pour la consommation familiale et faire la cuisine. C’est pourquoi le travail dans les champs de la famille, excepté le travail trop physique, revient aux femmes. 70% des travaux champêtres en Tunisie sont réalisés par les femmes. Quand le travail est familial, il est bien sûr non rémunéré, invisible. Avec l’AJA nous cherchons à le rendre visible et à donner aux femmes la place qu’elles méritent dans le secteur agricole. »

 

En 2023, nous avons accueilli...

Ben Khalid KY

Le jeune agriculteur burkinabè a sillonné les cinq départements des Pays de la Loire pour découvrir notre agriculture et échanger avec les jeunes agriculteurs d’ici.

L’agriculture et l’élevage apparaissent comme des métiers peu attrayants et peu rémunérateurs au regard du capital social ou scolaire en constante progression pour les jeunes en Afrique, et notamment au Burkina Faso.

Le témoignage de Ben Khalid sur les jeunes dans l’agriculture de son pays est pourtant encourageant : «Les jeunes commencent à s’intéresser à l’agriculture  mais  on ne  va plus travailler comme  nos parents ; nous voulons produire pour nous nourrir, mais pas seulement. Nous avons une approche plus économique : produire et gérer l’excédent c’est ça notre objectif. Notre Union Provinciale des Professionnels agricoles du Nayala encourage l’installation des jeunes. Chaque agriculteur membre de notre union doit intégrer au moins un jeune sur son exploitation, pour que la relève soit dynamique. Dans notre région, l’accès à la terre n’est pas un problème et notre union accompagne le jeune qui veut s’installer à voir plus loin, se professionnaliser, découvrir de nouvelles méthodes et acquérir de l’expérience. Afdi nous accompagne en ce sens,  soutien indispensable pour l’insertion durable de nos jeunes dans l’agriculture. »

 

Si certains jeunes ruraux burkinabè souhaitent accéder à d’autres types d’emploi, d’autres restent attachés à l’agriculture, au travail de la terre comme à l’élevage. Les jeunes ruraux exercent plusieurs métiers, font des allers-retours en ville pour s’assurer un meilleur revenu, et l’agriculture se fait souvent en famille. Les jeunes sont des agriculteurs bien différents de ceux qu’ont été leurs parents. Ils mobilisent de nouveaux réseaux, de nouveaux capitaux, saisissent chaque opportunité. Les jeunes réinventent sans cesse de nouvelles façons de composer entre réseau familial et réseau professionnel, entre agriculture et emplois non agricoles, entre ville et campagne, entre monétarisation et entraide.

Les jeunes Africains sont acteurs des transformations des normes sociales et des changements économiques du monde rural. Ils participent au renforcement des échanges et des liens entre les villages et les villes. Si la ville apparaissait, il y a encore quelques décennies, comme le vecteur de la modernité et du changement social, aujourd’hui ce n’est plus vrai partout et l’avenir d’une grande partie des jeunes se construit en milieu rural.